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Publié le: 22/01/2015

Au Burkina Faso, le secteur de l'eau potable et de l'assainissement a fait le pari depuis plusieurs années de renforcer les capacités des collectivités territoriales (communes et régions) dans la mise en œuvre de la politique nationale (PN-AEPA) et dans la gestion et la mise en œuvre des programmes et projets. Ce choix se justifie par la politique de décentralisation adoptée par l'Etat dans les années 2000. Cette politique entérine le transfert à la commune la responsabilité du service public de l'eau potable et de l'assainissement. Devenue maître d'ouvrage, la commune doit veiller à l'organisation, la gestion, au développement et au suivi des services. Les communes rurales n'étant pas toutes en mesure de jouer leur rôle, elles bénéficient d'un appui dans leur maitrise d'ouvrage par l'administration publique et d'un certain nombre d'ONG/associations. Cet appui est à la fois technique et financier. 

L'Etat transfert progressivement des fonds aux communes ; c'est le cas pour l'eau et il était prévu de faire de même pour l'assainissement dès 2015. Les partenaires techniques et financiers contribuent également, par exemple, l'Union Européenne injectera, pour la période 2009-2017, près de 75 millions d'Euros, dont une bonne partie doit être utilisée dans l'appui à la maîtrise d'ouvrage communal. D'ailleurs, l'UE exige que les communes doivent être systématiquement impliquées dans la mise en œuvre des projets qu'elle finance. Certaines communes sont également soutenues par des partenaires (ONG, association, coopération décentralisée). Concrètement, certaines ont mis en place un service technique chargé des questions d'eau et/ou d'hygiène et d'assainissement. D'autres développent un certain nombre d'outils de gestion dont notamment un plan stratégique d'assainissement, une stratégie communale pour le changement de comportement en matière d'hygiène et d'assainissement ou encore un système de suivi communal du service d'eau, comme à Gorgadji ou Aribinda dans la région du Sahel. Dans ce contexte, les communes s'approprient de plus en plus leur rôle. Par exemple, dans l'Est du pays, certaines communes suivent activement les opérations de construction de latrines et de formation des hygiénistes chargés de la promotion de bons comportements auprès des ménages. Elles ont même créé une ligne budgétaire permettant le fonctionnement du service communal d'hygiène et d'assainissement.

Mécanique gelée

Cependant, tous ces efforts et avancées sont aujourd'hui à l'arrêt. La raison : la dissolution des conseils municipaux. La crise sociopolitique d'octobre 2014 a occasionné de profonds changements politiques et institutionnels, dont la dissolution de tous les conseils municipaux et régionaux. Ceux-ci sont remplacés par des délégations spéciales à mandat limité. Cette dissolution a de grandes incidences sur la mise en œuvre des programmes et projets de développement en général et ceux dans le domaine de l'eau potable, de l'hygiène et de l'assainissement en particulier. Elle intervient alors que plusieurs projets d'assainissement en milieu rural cofinancés par l'Union Européenne dans plusieurs régions du Burkina étaient soit en instance de clôture soit en cours de démarrage. Réunis à Ouagadougou à la fin décembre, une dizaine d'ONG conduisant des projets d'assainissement cofinancés par l'Union Européenne a fait l'état des lieux des avancements des projets et proposer des solutions pour continuer malgré les changements institutionnels.

Si toutes les opérations ne sont pas au même niveau de mise en œuvre, il faut cependant noter que toutes les organisations sont touchées par la dissolution des conseils municipaux. L'ensemble des projets a été conçu avec les collectivités territoriales en mettant l'exécutif communal et ses services au centre du système. Du coup, les ONG se demandent ce que valent les protocoles de mise en œuvre signés avec les anciens conseils municipaux. Dans ces protocoles, les communes concernées s'engageaient à contribuer financièrement dans la mise en œuvre des projets. Elles avaient également en charge la mobilisation sociale ; c'est-à-dire la responsabilité d'amener les populations à souscrire pour la construction, l'utilisation effective et l'entretien de latrines familiales. Ces opérations semblent difficilement réalisables avec les délégations spéciales qui sont des entités hétéroclites. Elles sont composées par des membres qui ont un niveau disparate et une compréhension parfois limitée des enjeux. Dans un tel contexte, le risque est grand de voir les actions de mobilisation sociale perdre en efficacité à cause de la faible représentativité des quartiers et des villages dans certains cas. « Nous avions signé des protocoles d'opération avec l'ensemble des communes rurales de notre zone d'intervention. Il ne restait plus qu'à commencer les activités de marketing social. Malheureusement, nous sommes contraints d'attendre que les délégations spéciales soient fonctionnelles avant d'engager quoique soit », se désole Daouda Maiga, chef des opérations à IRC.

A l'instar d'IRC, les autres ONG sont dans l'attente. Elles ont délibérément adopté une posture prudentielle y compris dans le transfert de matériel pour les communes. Au demeurant, l'Union Européenne conseille de reporter toutes les actions qui peuvent l'être en attendant le rétablissement de nouveaux conseils communaux. Il n'est pas exclu de collaborer avec les délégations spéciales, mais celles-ci doivent devenir opérationnelles rapidement. L'un des premiers points de cette collaboration concerne le suivi et la mise en œuvre du budget primitif de la commune qui prenait en compte la part contributive de la commune aux activités du projet. Qu'il soit membre de la délégation spéciale ou non, l'ONG doit veiller à ce que le budget communal final inscrive ses activités.

Trouver des relais pour pérenniser les acquis


Les conséquences de la crise sociopolitique conduisent les ONG à innover pour trouver des mécanismes locaux de pérennisation des acquis des projets, spécialement lorsque ceux-ci arrivent à terme.
Certaines organisations sont mieux préparées que d'autre pour faire face à ces changements. C'est le cas de Wateraid, qui s'est doté d'un plan de mitigation qui lui permet de minimiser les activités impactées tout en maximisant les transferts de compétences vers les autorités communales. Grâce à ce plan, Wateraid est maintenant prêt à dialoguer avec les délégations spéciales. D'autres ONG d'ajustent dans ce sens.

D'autres encore proposent de travailler davantage avec les Conseils Villageois de Développement (CVD). « En absence de conseils municipaux, nous avons un atout formidable qui pourrait nous aider avec les activités de mobilisation sociale. Il s'agit des CVD qui ont l'avantage d'avoir un ancrage local et une pérennité plus solide », suggère Francis Kologo, d'Eau Vive.

Les ONG du secteur souhaitent s'assurer de la pérennité de leurs actions après la fin de leurs programmes et de leurs financements. Comme l'indique Isidore Zongo de l'ONG Welt Hunder Hilfe :« Nous avons un engagement vis-à-vis des communautés. Nous ne sommes pas de simples prestataires ; il nous faut donc élaborer des stratégies de sortie de projet » Même si dans le contexte actuel, ces stratégies sont mises à l'épreuve, le dialogue entre ONG permet de discuter d'alternatives pour poursuivre le transfert de compétences et la consolidation des acquis.

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