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Publié le: 28/10/2014

La dernière fois que la discussion autour du financement du développement était aussi animée était en 2000, lorsque les objectifs du Millénaire pour le développement furent adoptés par l'ONU. Une rafale de rapports avait ensuite été publiée, présentant des estimations des montants nécessaires pour améliorer (entre autres) le taux de couverture en équipements d'approvisionnement en eau potable et d'assainissement, estimations se chiffrant à plusieurs milliards de dollars. Il s'agissait alors surtout d'aide publique au développement. À la veille du lancement des Objectifs de développement durable, le financement est à nouveau au cœur des débats, mais cette fois-ci avec un léger changement de perspective.

On semble se tourner vers d'autres sources pour financer la plus grosse part du développement de l'après-2015. La recherche de fonds auprès des bailleurs traditionnels – qui ne représentent qu'une petite partie des ressources – est abandonnée au profit de la mise à contribution du secteur privé (local) avec l'espoir que, dans un « environnement favorable », les entreprises fourniront des latrines, des systèmes de vidange, des branchements d'eau domestiques, des filtres à eau adéquats, et... permettront à des millions de personnes de sortir de la pauvreté. D'aucuns pourraient objecter qu'il ne s'agit pas là d'un changement de perspective, mais plutôt d'un retour en arrière, vers les années 1990 et la Décennie de l'eau, où la tarification des services était considérée comme le principal moyen pour financer l'approvisionnement en eau et l'assainissement.

Soyons clairs : ni dans les années 1990, ni aujourd'hui, les retours sur investissement de l'approvisionnement en eau ou du traitement des eaux usées ne sont immédiats. Le Intergovernmental Committee of Experts on Sustainable Development Financing (ICESDF, Comité intergouvernemental d'experts sur le financement du développement durable) affirme que « [...] les financements et investissements sous leurs formes actuelles ne mèneront pas à un développement durable. Les rendements attendus sur les investissements liés au développement durable sont souvent moins attrayants que d'autres alternatives, notamment dans le court terme. » (Voir page 7 du document accessible par le lien ci-dessous).

Pour certains, le principal obstacle à la mobilisation des fonds nécessaires pour atteindre les objectifs de développement est l'attitude figée de la vieille garde : elle ne peut envisager que des ressources provenant d'organismes « à but lucratif » ou « à but non lucratif », et croit qu'il faudra attendre encore une génération avant de voir émerger des modèles de financement hybrides robustes pour appuyer le développement. Peut-être, mais les chiffres indiquent (d'après le rapport provisoire GLASS) que l'aide publique au développement (APD), les initiatives caritatives, et le secteur privé local représentent seulement un petit pourcentage des investissements globaux dans les services d'eau et d'assainissement. Et pourquoi s'en étonner, sachant que des pays comme les Pays-Bas, la France, le Royaume-Uni et, plus récemment, Singapour et la Corée du Sud, ont atteint une couverture universelle en matière d'eau et d'assainissement grâce à l'action du gouvernement et... aux finances publiques.

Dans les pays à faible revenu, la part du PIB que représentent les recettes fiscales n'a pas évolué depuis plusieurs décennies. Les bailleurs de fonds n'entreprennent pas grand-chose pour remédier à cette situation

Une seule conclusion s'impose : les finances publiques constituent un élément essentiel de la solution au problème du développement. Le débat sur son financement doit inclure les finances publiques et la mobilisation de ressources intérieures (et les moyens de mettre fin à la fuite massive de flux financiers illégaux). Il ne s'agit plus de savoir SI les finances publiques doivent contribuer au développement en général et à celui du secteur de l'eau et de l'assainissement en particulier, mais bien COMMENT elles peuvent y contribuer. Dans les pays à faible revenu, la part du PIB que représentent les recettes fiscales n'a pas évolué depuis plusieurs décennies. Les bailleurs de fonds n'entreprennent pas grand-chose pour remédier à cette situation : l'aide attribuée à la réforme des systèmes fiscaux des pays pauvres stagne autour de 0,1 %.

Heureusement, ces idées ne manquent pas de défenseurs : le dernier rapport de l'OCDE sur la coopération pour le développement, publié la semaine dernière (voir le lien ci-dessous), souligne l'importance d'un inventaire qui tienne compte de l'ensemble des flux financiers alloués au développement. Chris Blattman, professeur associé de l'université de Columbia, quant à lui, prévoit que, au cours des prochaines décennies, l'idée que l'Afrique a besoin de plus de recettes fiscales fera beaucoup parler d'elle, et la fiscalité et la politique en matière des finances publiques constitueront un des domaines de recherche privilégiés (voir le lien ci-dessous).

« Il y a des sommes d'argent considérables dans le monde qui pourraient être utilisées pour le développement. Stopper la fuite illégale des flux financiers des pays en développement permettrait de récupérer des milliards de dollars pour les allouer à la réduction de la pauvreté » affirme Erik Solheim, président du Comité d'aide au développement de l'OCDE.

Ce qui nous intéresse en particulier, c'est bien sûr quelle proportion de ces ressources est allouée à des projets d'eau et d'assainissement ? Ces ressources sont-elles dépensées de façon efficace ? Les seules données fiables sur les flux financiers consacrés à l'eau et à l'assainissement concernent l'APD et les dons, car les bailleurs de fonds et le plus grand bailleur privé du secteur notifient le CAD de l'OCDE de leurs versements. Cependant, par rapport au montant global, la part de l'aide traditionnelle n'est pas très importante. L'initiative TrackFin de l'OMS/GLAAS s'est donnée pour objectif de relever les fonds publics alloués à l'eau et à l'assainissement pour le compte des gouvernements du Brésil, du Maroc et du Ghana. La conclusion de l'exercice était que, même s'il était très apprécié, il était très difficile de suivre tous les flux financiers, qu'ils soient publics ou privés. Avec plus de pays participant à l'initiative, il est prévu de simplifier la méthode et de l'adopter à plus grande échelle.

Le partenariat public-privé est un autre concept qu'il faudra approfondir, sans se limiter aux bonnes intentions et aux slogans : quels résultats ces alliances peuvent-elles produire ? Ceux-ci sont-ils alignés sur les objectifs de développement durable ? Quelle est la part des investissements publics et privés dans ces partenariats ? Une plus grande transparence est essentielle pour comprendre comment utiliser les fonds publics comme catalyseur du changement, et pas seulement comme un moyen pour réduire les risques des investissements privés (au mieux) ou pour subventionner l'extraction illégale d'encore plus de liquidités du capital national (au pire).

Quelle est la part de chacune trois sources de financement disponibles au secteur, avec les transferts, la tarification et... les impôts.

Après tout le travail réalisé par WASHCost – dont les résultats ont été adoptés par de nombreuses organisations – nous savons désormais ce que coûte la mise en place de services d'eau et d'assainissement de base en milieu rural et péri-urbain. Mais il faut poursuivre les efforts et passer à l'étape suivante : établir quelle est la part de chacune trois sources de financement disponibles au secteur :  les transferts, la tarification et... les impôts.

Est-ce à dire que les transferts (d'aide) ne sont pas nécessaires ? Non, bien sûr, mais ils doivent être ciblés de façon à en tirer le maximum de profit. L'aide doit être ciblée sur des programmes visant à réduire les inégalités face à l'accès à l'eau et à l'assainissement, à combattre la pauvreté, à atteindre les personnes se trouvant tout en bas de la pyramide, là où il n'y a même plus d'incitations pour les entrepreneurs, à créer un environnement propice aux initiatives privées et à combler les lacunes de la filière laissées par le secteur privé (par exemple l'évacuation et le traitement des déchets humains).

IRC, WSUP et Trémolet Consulting ont conjointement désigné les finances publiques comme un domaine qui mérite beaucoup plus d'attention lors des discussions sur le financement des objectifs de développement durable. Dans les six mois à venir, nous allons promouvoir les discussions portant sur la contribution des finances publiques à la mise en place de services d'eau, d'assainissement et d'hygiène.

Le mois prochain, participez à l'événement organisée par IRC à La Haye.

Restez à l'écoute !

 

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