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Publié le: 11/02/2011

Cotonou, Benin. Image via Wikipedia

 

Laboula et ses frères jouaient ici dans l’eau avec les grenouilles. Ils n’avaient pas peur des sangsues qui s’accrochent à leurs jambes et suçaient leur sang. Les serpents et les insectes aquatiques les impressionnaient à peine. Avec la décrue, la famille est revenue à son domicile habituel.  Il est maintenant 11h, l’heure d’aller vendre de l’eau potable aux ouvriers et maçons du quartier. Dans la calebasse que Laboula porte, il y a une trentaine de sachets d’eau appelée « Biowota ».  En l’absence d’eau de puits salubre ou de robinet, c’est cette eau qui permet aux travailleurs de se désaltérer hors de leur domicile. Chaque sachet d’eau est vendue à 25 FCFA soit environ 0.03 euros. Les ouvriers des chantiers immobiliers sont les meilleurs clients de cette eau « manufacturée » dont la vente s’est généralisée depuis quelques années au Bénin. « Par jour, explique Laboula, « je vends au moins 100 sachets.

Quand il fait très chaud, j’en écoule jusqu’à 200. Les ouvriers et même les passants ont souvent soif, or, le port de bouteille d’eau n’est pas ancré dans les mœurs. Et nous, nous profitons de ce marché d’eau. La plupart du temps, les clients exigent que l’eau soit glacée.Les après midi, l’eau se déglace et de moins en moins de gens en achètent. Bientôt, ma patronne m’achètera une nouvelle glacière pour mieux conserver l’eau fraiche ». A Cotonou, les vendeuses de « Biowota » sont nombreuses et rivalisent de créativité pour écouler leurs marchandises.

Tous les jours, Laboula se retrouve à midi au centre de santé comme ses copines. Ici, à 13 heures, la demande est très forte. Les patients et leurs proches prennent leur déjeuner. Bien sûr, au centre de santé, il y a des robinets d’eau potable, mais certaines personnes préfèrent acheter de l’eau en sachet « Biowota ». Comme Laboula, la plupart des enfants vendeuses d’eau potable sont recrutées et travaillent pour des patronnes qui sont généralement des commerçantes nanties ou des grossistes de « Biowota ». « Chaque matin, explique Laboula ma patronne me donne 100 F CFA (euros) comme frais de nourriture. Et à la fin de chaque mois, mes parents perçoivent la somme de 5000 FCFA (un peu moins de 8 euros)  chez ma patronne.

Cela nous permet de subvenir à nos besoins. Il est vrai, je suis déscolarisée, mais nous arrivons maintenant à payer le loyer, la nourriture etc.  Nous n’’avons pas le choix. Il y a quelques années, le propriétaire de la chambre en bambou que nous habitons venait nous insulter tous les 5 de chaque mois parce que nous de payions pas régulièrement le loyer ». La vente d’eau « Biowota » rapporte des revenus aux revendeurs et aux grossistes en même temps qu’elle permet aux ménages pauvres de subvenir à leurs besoins. Mais la présence massive des fillettes rougit les indicateurs du travail des enfants. 

Selon une étude du Bureau international du travail (BIT) réalisée par l’Institut national de la statistique et de l’analyse économique (INSAE) en 2008, près de 700 000 enfants sont économiquement occupés au Bénin. Les paris sur l’éducation pour tous, de même que sur l’élimination du travail des enfants à l’horizon 2015 sont presque désespérés au regard de la foule grossissante des fillettes vendeuses d’eau. Comme Laboula, des centaines d’enfants abandonnent les classes - et au risque même de sacrifier leur enfance -  parcourent la ville sous le soleil ardent et affrontent comme des adultes la dure réalité de la vie. 

La vente d’eau « Biowota » renforce également la pollution urbaine en augmentant les dunes de sachets. Supprimer ce commerce est un acte citoyen. Mais entre les ouvriers qui manqueront d’eau de boisson sur les chantiers et les ménages pauvres qui perdront leur autonomie, les résistances sont rudes. 

Pacôme Tomètissi (tometissi@gmail.com)

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