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Publié le: 19/09/2013

On pourrait donner une interprétation positive à cette carte ; les bailleurs sont sans doute arrivés à se répartir les tâches, chacun dans une région du pays, même si certaines zones en comptent beaucoup plus que d’autres. Et ceci, alors même que les ONG ne sont pas prises en compte. Cependant le vrai problème n’est pas la présence de tant de bailleurs mais plutôt de s’assurer que leurs approches sont identiques, ou du moins similaires, et qu’elles concordent avec celles établies par le gouvernement.

 

Cette manière de planter le drapeau ne se limite pas aux cartes virtuelles, on l’observe aussi dans le monde réel. Nous avons tous vu, à l’entrée des villages, les panneaux portant des indications telles que « Le système d’eau potable du village a été mis en place par [remplir le nom du bailleur] », des pompes manuelles avec des plaques où figure le drapeau du pays donateur, ou les comités de gestion de point d’eau aux t-shirts identiques avec en grosses lettres [remplir le nom du projet qui a participé à la mise en place du comité]. Les bailleurs étrangers ne sont pas les seuls à faire cela.

On peut fréquemment trouver des plaques commémoratives sur les réservoirs d’eau avec des inscriptions comme « ce système d’adduction d’eau a été mis en place sous l’administration [remplir le nom du Président ou du maire au pouvoir à l'époque].

Même si je peux comprendre que les bailleurs souhaitent que les financements auxquels ils ont contribué soient reconnus et visibles, cela devient gênant lorsque la pompe est cassée ou que les latrines avec le grand panneau sont l’endroit le plus sale du coin. Aucun bailleur ou gouvernement ne souhaite être associé à ça. Pire, ce genre d’affichage peut faire passer le mauvais message : que la pompe ou l’adduction d’eau est une sorte de don et qu’il appartient au bailleur.

Combien de fois a-t-on entendu parler de « la pompe UE », « le service d’eau du maire » ou des « latrines UNICEF » ? Malgré tous les efforts pour rendre la propriété des installations aux communautés – au sens légal on l’espère, pas simplement un « sentiment de propriété » – cette manière de s’afficher ne fait que renforcer le mauvais message qu’elles appartiennent au bailleur. En fait, ceci pourrait être un facteur des pannes durables des pompes. J’ai vu plusieurs populations hésiter à réparer le système d’approvisionnement en eau de peur de toucher à la pompe du bailleur ou au réservoir du gouvernement. Ou bien elles peuvent même ne rien faire et attendre que le bailleur revienne, en croyant que celui-ci fera la réparation ou remplacera le système.

Cela m’a fait penser à la manière dont se fait ce genre d’affichage dans mon pays (les Pays-Bas). Là-bas il y a toujours le nom du prestataire de service et son logo sur toutes les installations. Le centre de traitement dans les dunes non loin de mon appartement à la Haye porte le nom de l’opérateur du service, même si celui-ci n’est sans doute pas l’unique investisseur. J’ignore les détails concernant ce centre mais je ne serais pas surpris si l’investissement initial avait été réalisé en partie sur fonds municipaux ou nationaux. Rien n’indique que « ce centre de traitement de l’eau a été mis en place sous le Maire X ou le Premier Ministre Y ».

 

Et il devrait toujours en être ainsi. Je pense que l’affichage pourrait se faire d’une façon positive qui renvoie le message que l’eau doit être non pas un don mais un du. Et si le panneau à l’entrée du village indiquait que « l’approvisionnement en eau de ce village est géré par [remplir le nom de l'opérateur communautaire] »?

Et si la plaque sur la pompe manuelle arborait le nom du comité de gestion qui l’entretient et non celui du donateur qui a financé son installation ? Et si la plaque sur le réservoir avait les coordonnées de la mairie ou du bureau local auquel les villageois peuvent s’adresser pour un appui ou en cas de questions, plutôt que le nom du maire qui en a supervisé la construction ? Je pense que ce serait bien plus efficace pour créer au moins un sentiment de propriété dans la communauté, de fierté et de responsabilité au sein du comité de gestion et pour transmettre l’information réellement importante, c’est à dire les coordonnées de l’opérateur de service, non pas celles du constructeur.

 

Ma théorie est que les systèmes d’approvisionnement en eau fonctionneraient mieux avec ce genre de visibilité qu’avec la visibilité des financeurs de l’infrastructure. Peut-être pouvons-nous la tester dans notre recherche Triple-S ? Les bailleurs et les politiques n’ont pas de raison de s’inquiéter : il y a bien plus de fierté à dire que les systèmes mis en place pendant votre administration ou avec votre argent fonctionnent bien, plutôt que d’avoir votre nom ou votre logo sur une pompe cassée ou un réservoir qui fuit.

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