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Publié le: 11/12/2012

Les activités d’Eau Vive n’ont pas été trop affectées par les suites du coup d’Etat au Mali. D’une part parce que l’équipe d’Eau Vive est entièrement africaine ; le directeur est nigérien et l’équipe malienne. D’autre part, parce que nous n’avons pas de projet dans le Nord du Mali. Notre principal projet se situe actuellement dans la partie Sud de la région de Mopti et il est coordonné par un animateur issu de la région, qui continue donc à travailler sans problème.

Notre difficulté majeure au Mali est d’arriver à mobiliser les partenaires financiers pour lancer de nouveaux programmes d’accès aux services essentiels. Nous savons pourtant que la réponse aux besoins de base est une des conditions sine qua non de la stabilité du pays.

Quelles sont les conséquences de l’instabilité actuelle sur les interventions structurelles dans le secteur de l’eau potable et de l’assainissement ?

Au Mali, l’accès à l’eau potable et à l’assainissement de base est une préoccupation fondamentale pour une grande partie de la population, surtout rurale. A l’échelle nationale, le taux de couverture des besoins en eau potable était de 75,5 % en 2010. Mais c’est sans compter qu’environ 30 % du parc hydraulique malien n’est pas fonctionnel. L’accès à un assainissement adéquat est encore plus problématique. La proportion de la population possédant un système d’assainissement amélioré privé est de 27 % en milieu urbain et 6,4 % en milieu rural.

La crise qui sévit dans le Sahel aggrave les difficultés préexistantes. Bien que les pays sa-héliens aient eu par le passé à surmonter des crises du même genre, il n’est pas évident qu’ils s’en sortent cette fois-ci sans l’appui de la communauté internationale. Les problèmes posés par les activistes qui occupent le Nord Mali n’ont pas de frontières, leurs causes sont multiples et variées, d’où la nécessité de conjuguer les efforts à tous les niveaux.

Si la situation perdure, la plupart des acquis dans les domaines de l’eau et de l’assainissement seront perdus. Avec l’augmentation de la population, on aura besoin de nouveaux ouvrages, de réhabiliter ceux qui sont en panne, de structurer le secteur, etc. Or, rien de tout cela ne peut être fait sans la sécurité, la cohésion sociale et surtout les ressources conséquentes.

Chacun des pays du Sahel a élaboré une politique et des stratégies d’accès à l’eau potable et l’assainissement en comptant sur des ressources extérieures sous forme d’aide ou de prêt pour les mettre en œuvre. Sans un minimum de garantie, beaucoup de partenaires seront très réticents à les financer. La principale conséquence sera la dégradation de la santé de la population et particulièrement celle des plus vulnérables.

Comment Eau Vive travaille-t-elle dans ces conditions instables au Mali ?

Notre équipe au Mali poursuit ses activités d’appui à six communes de la région de Mopti, dans le cercle de Bankass, pour la mise en œuvre de leurs projets dans les domaines de l’hydraulique rurale, de l’assainissement, de la production locale et de la protection de l’environnement. D’une manière transversale, nous renforçons les capacités des instances communales et structures villageoises afin qu’elles assurent durablement les services mis en place.

Tous les maires de nos communes partenaires sont en place ; celles-ci n’étant pas directement concernées par la crise, les autorités locales poursuivent normalement leurs activités. Cependant, les moyens leur font de plus en plus défaut. Dans ces communes, rien n’indique que le pays est en crise. La population est sereine et se déplace comme d’habitude, nos partenaires (entreprises et bureaux d’études) exécutent leurs activités sur le terrain sans aucune crainte. C’est l’avantage, dans les circonstances actuelles, d’une ONG d’appui très implantée localement et travaillant en partenariat étroit avec les entreprises, artisans, associations et élus locaux: ce sont les acteurs locaux qui agissent, l’avancement des programmes repose sur eux.

Qu’en est-il du contexte sécuritaire ?

En accord avec les appels à la prudence du MAE vis-à-vis des déplacements sur place des partenaires, en particulier pour les élus, nous ne pouvons engager notre responsabilité en disant que le risque pour la libre circulation de Français au Mali est sans danger. En revanche, nous tenons à faire passer le message que les projets de coopération peuvent sans problème se poursuivre par l’intermédiaire d’ONG locales d’appui au développement. Il est compréhensible que le MAE recommande aux élus français de ne plus se rendre sur place pour l’instant, mais il faut absolument continuer à soutenir la population et la construction d’un Etat de droit. La suspension brutale de l’appui au développement se répercuterait de manière terrible sur la population et ne ferait qu’aggraver davantage la crise.

Est-il possible pour les collectivités locales françaises de poursuivre leurs coopérations décentralisées avec leurs partenaires au Mali et au Sahel, ou d’en démarrer de nouvelles ?

Comme je le disais à l’instant, oui, c’est tout à fait possible, en travaillant avec des partenaires locaux. C’est même indispensable de ne pas laisser tomber la population malienne qui se trouve déjà dans une situation très difficile entre la crise économique engendrée par la crise politique et la situation d’insécurité alimentaire à laquelle la région fait face.

En dépit de la crise qui prévaut au Mali et au Sahel en général, les actions de coopération décentralisée peuvent se poursuivre et même se développer en s’appuyant sur des structures, de type associatif par exemple, bien ancrées sur les territoires et qui mobilisent des compétences locales. C’est d’ailleurs une bonne occasion pour les acteurs français d’améliorer leur approche.

La poursuite des appuis dans le cadre de la coopération décentralisée et non gouvernemen­tale est aujourd’hui plus que nécessaire pour désamorcer les conflits sociaux nés sur le terreau de la pauvreté et de l’iniquité et créer les conditions d’un développement socio-économique harmonieux.

A contrario, suspendre la coopération ne ferait que nourrir l’instabilité et l’extrémisme, la population n’ayant alors d’autre alternative que de se tourner vers des pays ou des groupes d’influence moins désintéressés.

Extraits de l’Interview réalisé par Virginie Bineau, directrice du développement à Eau Vive (Octobre, 2012)

Site internet : mali.eau-vive.org

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